Pour un nouveau souffle démocratique

La commission des droits politiques de la Constituante, à laquelle j’appartiens, a adopté en fin d’année passée le droit de vote des étranger·ère·s ainsi que le droit de vote à 16 ans. Plus précisément, le modèle adopté par la commission prévoit le droit de vote des étranger·ère·s, mais pas d’éligibilité, au plan cantonal ainsi que le droit de vote et d’éligibilité au plan communal, mais pas à la fonction de président·e de commune. Pour bénéficier de ces droits, les étranger·ère·s devraient être titulaires d’une autorisation d’établissement (permis C) et domiciliés dans le canton depuis un an. Les jeunes dès 16 ans pourraient aussi bénéficier du droit de vote au plan cantonal et communal, mais pas du droit d’éligibilité.

Ces dispositions, adoptées à une courte majorité de la commission, constitueraient une réelle avancée pour la vie démocratique de notre canton, en faisant mieux converger cercle des habitant·e·s et cercle des décideur·euse·s. Elles favoriseraient l’intégration sociale et politique des personnes concernées. Elles offriraient des droits à des personnes qui ont déjà des devoirs similaires aux électeur·trice·s actuels.
Les arguments des opposant·e·s sont bien connus et reposent en fait sur deux confusions, d’une part entre nationalité et citoyenneté, d’autre part entre majorité civile et majorité civique. Dans le premier cas, les conservateur·trice·s arguent que seule la nationalité, donc un processus de naturalisation, peut conférer des droits politiques. Or nationalité et citoyenneté ne sont pas synonymes et rien n’empêche de les dissocier. Du reste, tous les autres cantons romands attribuent des droits politiques, a minima le droit de vote communal, aux résident·e·s étrangers. À la vision ethnicisante et assimilationiste de la citoyenneté est opposé le « principe de territorialité », selon lequel c’est l’inscription durable dans un territoire et non la nationalité qui détermine l’attribution de droits politiques, considérant tous les résident·e·s permanents comme parties prenantes et co-constructeurs de la société locale. Ce modèle inclusif est une reconnaissance pragmatique de la présence importante et durable de populations étrangères en Valais (23%, dont 60% sont titulaires du permis C) et de leur contribution à la vie de notre canton.

S’agissant du droit de vote à 16 ans, les opposant·e·s estiment que majorité civile et majorité civique doivent nécessairement coïncider. Là encore, ces deux notions ne sont pas synonymes et peuvent être aisément dissociées. L’Autriche et, en Suisse, le canton de Glaris, ont adopté le droit de vote à 16 ans, sans difficultés d’application. Dans les faits, il existe déjà plusieurs types de majorité qui ne correspondent pas à la majorité civile : majorité sexuelle et religieuse à 16 ans, majorité pénale dès 10 ans et possibilité de peines de prison dès 15 ans, notamment. De même, la loi donne déjà différents droits et devoirs aux jeunes dès 16 ans : payer des impôts, conduire certains véhicules, boire de l’alcool ou encore cotiser à l’AVS. D’un point de vue politique, le droit de vote à 16 ans est une mesure bienvenue de rééquilibrage d’un corps électoral vieillissant. C’est aussi un signal fort en faveur des jeunes, dont beaucoup partent s’établir hors du canton. C’est enfin une intégration à la vie politique dès la fin de la scolarité obligatoire. Les récentes manifestations pour le climat ont d’ailleurs montré que beaucoup de jeunes sont politisés et intéressés à la chose publique.
La Constituante, théoriquement dominée par les conservateur·trice·s, aura-t-elle l’audace de donner un nouveau souffle à la vie démocratique de notre canton ? Réponse en plénum en avril.

Fabien Thétaz

Note : Les principales décisions des commissions thématiques sont consultables à l’adresse : https://www.vs.ch/web/constituante/rapports-de-seances