Suite à la session de septembre, d’aucuns prédisaient à la Constituante un avenir funeste : beaucoup d’argent investi, beaucoup de travail abattu, beaucoup de temps passé… pour accoucher, au final et après quatre ans (et demi ?) de labeur, d’une petite souris. Mais la session d’octobre a changé la donne !
Le douloureux mois de septembre… Septembre laissa un goût amer à nombre de constituantes et de constituants. Pour beaucoup, il s’agissait du premier exercice « politique », où les fronts partisans pouvaient s’affronter en plénum. Il fallut déchanter assez rapidement, les votes se suivent, s’enchaînent à grande vitesse et, force est de constater que les résultats se ressemblent furieusement… 80 à 40 contre les positions défendues par le Groupe socialiste et Gauche citoyenne. À ce rythme, les droits fondamentaux, à savoir l’entier du travail de la Commission 2, sont expédiés sans discussion au profit d’un amendement global proposé par le PLR. Quelques avancées, tout de même, sur la transparence dans le financement de la vie politique, par exemple, laquelle « doit être garantie », sans autre précision. Mais les points qui nous semblaient importants passent à la trappe : droit de vote à 16 ans, droit de vote et d’éligibilité cantonal des étrangers, parité en politique. Le droit de vote des étrangers au communal échoue également malgré un score plus honorable (63 non contre 55 oui et 2 abstentions). … avant le regain du mois d’octobre Alors que les certains médias annonçaient déjà l’échec d’une Constitution progressiste suite au traitement des trois premières commissions (sur un total de 10), la session d’octobre annonce un changement de cap important. Lors de cette session, les différentes institutions sont à l’étude : Grand Conseil, Conseil d’État, communes, préfets… Pas de quoi passionner les foules diront certains, mais c’est pourtant là un point non négligeable d’une Constitution : le fonctionnement des ses autorités. Et là, c’est le déferlement de nouvelles idées, de réformes, voire de révolutions (révolutions à la sauce helvétique que l’on se comprenne bien) : Conseil d’État à 7 membres élu au système proportionnel, possibilité de révoquer un membre du Conseil d’État, trois régions du lieu de 13 anachroniques districts, transparence des candidat·e·s, agrandissement des circonscriptions électorales pour le Grand Conseil, Conseils généraux instaurés dans les communes de plus de 5000 habitant-e-s, élections de président·e·s de régions par la population… Bref, le changement de cap est entamé et la possibilité d’une Constitution plus progressiste voit le jour. Certes, certaines majorités sont fragiles et il s’agit d’un premier galop d’essai, mais le ton est donné, les choses peuvent évoluer ! Le tournant de novembre Jusque-là, beaucoup de questions institutionnelles ont été discutées et l’impact direct de l’agrandissement des cercles électoraux sur la vie des Valaisannes et Valaisans peut sembler relatif. En novembre, outre le pouvoir judiciaire, les tâches de l’État seront également traitées. L’occasion d’amener des avancées également dans les domaines sociaux, économiques ou environnementaux. Suite à cette session, les grands principes définis par la Constituante seront soumis à une large consultation. Une consultation des principaux acteurs officiels, mais également une consultation populaire. Tout le monde sera alors appelé à donner son avis, à faire de nouvelles propositions et à s’exprimer dans une démarche participative. Suivront alors les premiers travaux rédactionnels et les premiers débats sur les lectures de détails. L’aventure se poursuit… Gaël Bourgeois Chef du Groupe socialiste et Gauche citoyenne Après la pause obligatoire Covid 19, les travaux de la Constituante ont repris au début du mois de septembre. Les plénières de la Simplon Halle de Brig ont pour but d’examiner les principes émis par les trois commissions. Dès l’ouverture de la session, nous sentons que le vent a tourné. Les ambiances qui permettaient des échanges fructueux et des décisions consensuellement ouvertes au sein des diverses commissions ne sont plus d’actualité. Les vieux démons passéistes sont de retour, avec leurs porte-paroles en mal de notoriété ; celles et ceux qui n’ont pas compris que la Constitution qu’ils·elles écrivent n’est pas destinée à hier, ni à aujourd’hui, mais à demain… Les positions ultra-traditionnelles président aux débats de bout en bout. La ligne d’opposition gauche/droite est tirée au cordeau et les nombreux amendements de partis mettent à mal le travail fourni par les commissions. « Nous ne posons là que des principes » nous répète-t-on à l’envi ; « les articles définitifs viendront plus tard… ». Pourtant, lors des discussions, nous sentons que les enjeux importants sont déjà là. Par exemple, lors de la discussion Eglises/Etat, il ne sera pas possible de nommer autrement les «Eglises», pas envisageable de remplacer ce terme par « communauté », « collectivité religieuse » ou toute autre formulation plus ouverte… «Ce sera Églises ou rien!» répondent, dans leur arrogante majorité, les membres de l’assemblée, y compris quelques anticléricaux notoires… Dès lors, il est légitime de se demander si nous allons - sur ce sujet important – vers l’acceptation de principes qui ressemblent à s’y méprendre – quand ce ne sont pas les mêmes – à ceux de la Constitution de 1907… Pourtant, là aussi le Valais a changé ! Tant sur le nombre de personnes qui sont encore croyant·e·s-pratiquant·e·s, que sur l’influence du clergé sur la vie des Valaisan·ne·s. Où est donc passée la belle volonté d’adapter les textes fondamentaux à l’évolution de notre société ? Même les impôts ecclésiastiques, qui n’ont plus grand sens aujourd’hui, ne seront pas abolis ! Mais la Constituante franchit le pas de trop, lorsqu’elle donne un blanc-seing à la formation politique VLR (Valeurs libérales radicales) pour réécrire le travail de la commission 2. Ce qui est présenté comme un « amendement » fait en réalité passer à la trappe les quelques avancées intéressantes qui avaient émergé en commission. Tout cela sans discussion, sans réflexion de l’assemblée, en un clic de vote. Sous prétexte que la commission a trop « détaillé » son travail, la formation VLR – avec l’accord de la majorité – va « guillotiner » leur rapport, selon la formule évocatrice de Florian Evéquoz d’Appel Citoyen. Balayer ainsi la réflexion d’un groupe d’élu·e·s, en arguant du fait qu’il suffit de se référer à un seul article de la Constitution fédérale est inadmissible. Car il s’agit de droits fondamentaux, rappelle Caroline Reynard. Et les droits fondamentaux doivent être inscrits de manière explicite, afin que leur lecture soit directement accessible et lisible par toute la population. Malgré d’éloquentes interventions, malgré de solides démonstrations pointant leur pertinence dans le monde actuel, ni le droit de vote à 16 ans, ni celui des étrangers ne trouve grâce aux yeux de cette assemblée, dominée par quelques politicien·ne·s qui se réclament exclusivement du « Vieux-Pays » pour penser l’avenir… Le parti radical valaisan nous avait habitués à plus de capacité d’ouverture et d’humanisme… Que signifie aujourd’hui ce ralliement à la droite conservatrice? Que cache cette adhésion à la pensée de partis rétrogrades, qui mettent gravement en péril la modernité de notre future Constitution ? La seule éclaircie dans ce tableau plutôt sombre est pour moi l’acceptation d’un article veillant à « une représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein de l’administration et des autorités ». Quoiqu’il en soit, la Constituante s’est engagée à prendre l’avis des partis, des associations professionnelles et de toute personne intéressée par le sujet, sans oublier les enfants et les jeunes, car cet acte fondateur est écrit pour eux. Dans les tourmentes du monde actuel, quel avenir pourront-ils s’inventer ? A nous de recueillir leurs doutes, leurs espérances, leurs visions du monde à venir et d’en tenir compte dans l’écriture de cette nouvelle Constitution. Nous ne pourrons pas faire l’impasse sur ce questionnement. Ces premiers échanges avec le peuple seront d’une importance capitale, pour donner à voir et à comprendre les enjeux de cette Constituante. Janine Rey-Siggen, Constituante PS / Gauche citoyenne |
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Janvier 2022
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