Il y a une année j’intitulais ainsi mon papier au sujet de la Constituante, le travail des différentes commissions thématiques pouvant alors enfin commencer après une longue mise en place. Une année plus tard cet intitulé est toujours d’actualité, non pas que rien n’a été entrepris entre temps, mais tout s’est arrêté en mars pour cause de Covid 19. Les 10 commissions thématiques ont pu, juste à temps, rendre leur rapport mais les plenums devant les traiter entre avril et juin n’ont pu se tenir et c’est maintenant, dès septembre, que ce travail va enfin commencer à la Simplonhalle de Brig (nous suivons le Grand Conseil afin de respecter les règles sanitaires en vigueur). Le groupe PS-Gauche Citoyenne a, en mars puis juillet-août, examiné, discuté les 10 rapports de commissions et décidé des amendements à apporter. C’est un travail de détail important car il sera ensuite, dans la 2e phase du projet, difficile d’amener des éléments vraiment nouveaux.
Ces 4 et 5 septembre le plenum va donc commencer par l’examen des propositions des commissions 1 (dispositions générales- cohésion sociale- rapports Eglises/Etat), 2 (droits fondamentaux, droits sociaux et société civile), 3 (droits politiques) ainsi que des très nombreux amendements qui ont été apportés. Il se dégage de ces 3 documents que bon nombre de propositions intéressantes, innovantes sont faites. Dans le désordre et sans aucune exclusivité mentionnons : - la volonté d’un Valais canton ouvert, solidaire, soucieux d’égalité, d’intégration, d’inclusion des plus vulnérables. - le droit de vote à 16 ans - le droit de vote des étranger·ère·s au niveau communal et cantonal - les droits de l’enfant et de la personne âgée - l’introduction d’un salaire minimum, le congé parental - un vrai souci quant à la protection de l’environnement, de la biodiversité - l’aspect des droits liés au numérique - etc... Il est clair que la constitution ne fait pas tout et qu’elle ne peut avoir la prétention de figer une vision d’avenir pour le siècle, des imprévus de toute sorte, nous le vivons à l’heure actuelle, peuvent venir chambouler bon nombre d’acquis et de certitudes. La constitution qui vient sera le reflet de notre état d’esprit de ce début de 3e décennie du XXIe siècle et du futur désirable que nous souhaitons nous donner. A l’issue de ces 2 jours de débats et de décisions nous aurons alors, en fonction de ce qui aura été retenu ou non, une idée plus nette de vers quoi nous nous dirigeons. Cette assemblée saura-t-elle faire preuve d’un peu d’audace et aller vers un projet véritablement innovant qui donne des pistes intéressantes dans l’élaboration d’une société valaisanne plus juste, plus solidaire, plus égalitaire, inclusive où l’économie est au service de l’être humain et ceci dans un environnement sain et sûr, abandonnant ce qui ne marche manifestement pas ou est nuisible (la compétition, les flux inutiles de marchandises, le pillage des ressources) ? Ou bien de vieux réflexes vont-ils revenir avec la crainte d’un quelconque changement ou simplement l’incapacité d’envisager un avenir différent et à ce moment-là paraphraser les nobles (Tancrede) dans « Le Guépard » de Visconti pour qui « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout. » ? J’ose sincèrement croire que non, sinon cela sera par exemple la porte ouverte à des projets aussi peu en phase avec ce que nous souhaitons comme « Sion capitale des Alpes ». Pierre Schertenleib
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La Constituante s’occupera aussi des institutions judiciaires, parmi une foule d’autres thématiques. Le sujet est peu familier à la plupart des citoyennes et citoyens, il n’est guère racoleur et réservé à des débats assez techniques. En un mot, il n’est pas sexy.
Et pourtant, la bonne marche de la justice est un des piliers de toute société démocratique. Il n’y a qu’à voir ce que l’absence de justice autorise, dans une actualité qui est malheureusement toujours présente : des arrestations par milliers de manifestant·e·s pourtant pacifiques, des détentions sans jugement, des collusions impunies. La loi du plus fort, en somme. Une justice qui fonctionne est le dernier rempart contre l’arbitraire et elle doit nous préoccuper toutes et tous. Ainsi donc la Constituante sera appelée à regarder ce qu’il faut conserver de notre système judiciaire cantonal, parce que tant s’en faut tout n’est pas à jeter, et aussi ce qu’il faut y insuffler comme esprit nouveau, parce des progrès sont également à proposer. Le tout dans les limites du droit supérieur, fédéral et international. Une chose est certaine, il faut s’assurer une justice réunissant en premier lieu les compétences nécessaires. Un renforcement de la justice de premier échelon est dans ce sens inévitable. Cela est vrai pour les Autorités de protection de l’adulte et de l’enfant, dont l’émanation historique, issue des anciennes chambres pupillaires de village, ne garantit pas un niveau suffisant de bonne pratique. Cela est vrai aussi pour la justice communale, dont la nomination actuelle, au scrutin populaire, produit le risque d’un choix d’abord partisan, avant le choix de la meilleure personne pour le poste. A faire donc : élever les exigences et regrouper pour mieux doter. Ce sera peut-être par la création d’un véritable Tribunal de la famille, par exemple. Autres institutions à introduire, pour une application toujours meilleure dans des domaines toujours plus complexes : en matière constitutionnelle, pour trancher les recours en matière d’initiatives populaires ou sur les questions d’exercice des droits politiques, et en matière environnementale, pour assurer une application conforme d’un droit en incessant développement et souvent très spécifique. Dans ces secteurs importants, notre canton ne peut se permettre d’être à la traine. La Constituante va aussi examiner l’opportunité de la création d’une Cour des comptes, organe de contrôle de l’activité étatique, non seulement sous l’angle financier strict, ce que fait bien aujourd’hui l’Inspection cantonale des Finances, mais aussi à l’aune de la bonne gestion administrative au sens large, notamment en termes de durabilité et de bonne utilisation des ressources à disposition. Ce contrôle doit en outre être confié à de véritables magistrats, ayant le statut équivalent à celui des juges, ce qui n’est pas le cas pour l’heure. Enfin, une chose est essentielle, la justice doit absolument rester indépendante. C’est l’origine de sa représentation les yeux bandés. Elle doit s’affranchir du microcosme politique encore davantage. Les juges et les procureurs doivent être à l’abri des pressions de leur grand électeur, qui est le parlement pour les magistrats supérieurs. Ce sera la tâche du Conseil de la magistrature d’y contribuer. C’est pourquoi aussi il faut mettre fin à une réélection périodique, qu’il faut remplacer par un mécanisme de destitution en cas de dysfonctionnement grave. Ce sera un progrès notable. L’ouvrage est sur le métier. Beaucoup de bonnes volontés, de tous bords, se sont manifestées. Il reste à espérer que ces évolutions ne soient pas tuées dans l’œuf, au cours du processus d’élaboration du texte constitutionnel, qui est encore long et sinueux. Mais la frilosité, notamment financière, devant la nouveauté serait de mauvais aloi. Dans une société réellement moderne, la justice doit être dotée des moyens des ambitions qu’on attend d’elle. Olivier Derivaz, Président de la Commission thématique 9 chargée des Tâche de l’Etat – Autorités judiciaires La crise sanitaire que nous traversons permet de mettre en valeur l’inestimable travail des soignant·e·s. Pourtant tout n’est pas rose aujourd’hui dans le monde des soins infirmiers : des problèmes systémiques persistent et nécessitent des réponses claires et rapides. On ne forme pas assez d’infirmier·ère·s : en Suisse, seuls 43% des besoins en formation sont couverts. Or en Valais, comme ailleurs, on observe un vieillissement de la population avec l’arrivée des baby-boomers en âge de la retraite ainsi que l’allongement de l’espérance de vie lié aux progrès de la médecine. Nos besoins sont donc actuellement comblés par la migration, le Valais étant le 3ème plus grand employeur de migrant·e·s dans les professions de la santé en Suisse (Nidwald et Genève étant les 1er) L’Association suisse des infirmier·ère·s (ASI) rappelle qu’un personnel soignant qualifié niveau HES permet d’éviter des centaines de décès et pourrait faire économiser des milliards de francs au système de santé. Malheureusement, nos décideurs politiques valaisans viennent de formaliser la diminution des exigences de formation des soignant·e·s en créant une école supérieure (ES). Ils répondent à l’appel du volume par la diminution des qualifications ! Si le nombre est important, le niveau de formation l’est bien plus. Cette décision politique se traduit par « lutte contre la pénurie ». Comprimer les salaires d’une nouvelle catégorie de soignant·e·s, simples exécutants n’est-ce pas là la réelle ambition inavouable ?
Venons-en aux salaires des infirmier·ère·s HES valaisans. Il est bien clair que celui-ci doit suivre la courbe de l’évolution salariale des autres métiers HES. En réalité, il n’en est rien et cela est totalement infondé, nous devons le reconnaître. La différence de salaire entre un enseignant primaire fraichement diplômé (3 ans d’HEP) et un jeune infirmier (3 ans d’HES) n’est pas loin de Fr. 1'000.- / mois. Cette différence ne fait que s’accroitre avec le temps et atteint Fr. 1'500.- / mois en fin de carrière. Comment justifier une telle disparité qui ne reflète en rien la pénibilité de la profession ni le niveau de responsabilités ? Pas étonnant qu’au sein de la population résidente permanente en Suisse, près de la moitié des personnes formées comme infirmier·ère·s (45,9%) quittent leur profession. A quoi bon former davantage si les nouveaux venu·e·s ne restent pas ! Il faut dire que d’autres paramètres que le salaire expliquent cette situation. Le travail est devenu particulièrement difficile ces dix dernières années à cause du paiement forfaitaire. Avec celui-ci, on « chasse » le patient de l’hôpital plus tôt et du coup, le rythme des hospitalisations a doublé et les infirmier·ère·s sont frustré·e·s de ne pas pouvoir consacrer assez de temps à leurs malades. Les hôpitaux encaissent davantage mais le stress dans les étages s’est accru. A côté de l’insatisfaction au travail et des conditions salariales, un autre facteur vient expliquer l’attrition infirmière : c’est le conflit travail-famille dans la profession. Les tableaux de service des soignant·e·s sont établis mensuellement et impliquent des horaires hebdomadaires revus à chaque fois. Pour des parents, c’est alors la croix et la bannière afin de trouver des structures d’accueil de la petite enfance qui acceptent ces horaires irréguliers. A l’aube des importants investissements consentis par l’hôpital du Valais sur ses différents sites, rien ne changera pour son personnel car aucune crèche n’a été prévue. La plus grande crise sanitaire de l’histoire récente aura je l’espère, le mérite de donner une place de choix à l’initiative de l’ASI pour des soins infirmiers forts. Celle-ci, ou du moins, son contre-projet indirect actuellement à l’étude, demande justement un financement pour la formation et une amélioration des conditions de travail. Au monde politique maintenant d’agir en connaissance de cause ! Corinne Duc·Bonvin Les travaux de la Constituante allaient bon train, les rapports des dix commissions commençaient à être dévoilés, les rapports de minorité pointaient les divergences qui devaient être aplanies en plénum.
Les séances plénières justement étaient fixées en avril, mai et juin. Pour ma part j’étais satisfait du travail de ma commission tant au niveau du déroulement que du résultat unanime. Nous devrions être en train de boucler cette première phase de travail qui aurait permis dès cet été de lancer la large consultation sur les premiers principes et articles de cette future et prometteuse constitution. Oui mais un grain de sable s’est glissé dans cette belle machine en route, enfin bien plus petit qu’un grain de sable : un virus s’est abattu sur le monde entier. Au début nous regardions les images des Chinois luttant contre cette nouvelle maladie et construisant en quelques semaines des hôpitaux, c’était loin de nous et de nos préoccupations journalières, mais quand nos voisins italiens ont été touchés de plein fouet, tout s’est emballé. Le monde, la Suisse, le Valais, la Constituante se sont mis en quarantaine. Une pandémie sans précédent à mis le monde à genoux, démontrant la force des uns et des unes, les faiblesses des autres, que ce soit individuellement ou collectivement. Les séances prévues de la Constituante ont justement été annulées, par étapes aussi comme pour les décisions du Conseil Fédéral : pas de sessions en avril ni en mai, puis dans un deuxième temps suppression de celles de juin. Nous nous reverrons si c’est possible à la rentrée de fin août. En effet, 20% des membres de la Constituante sont des personnes dites à risque ou vulnérables ; difficile alors d’imaginer des débats sans elles ou à distance entre 130 personnes ! Dans le contexte actuel, chaque personne est centrée sur les décisions qu’elle doit prendre pour sa protection et celle de ses proches ; pour moi et pour beaucoup d’autres il y a aussi les décisions lourdes de conséquences au niveau professionnel puisque je dirige une fondation qui accompagne plus de 400 personnes en situation de handicap. La priorité est d’assurer leur santé tant physique que psychique, et également bien entendu celle de mon personnel dans cette situation de confinement. Il faut aussi diminuer l’impact financier pour l’institution et continuer à traiter les dossiers en cours car tout laisser en plan ne facilitera pas la reprise. Et justement maintenant nous sommes dans la situation de préparer le dé-confinement et c’est encore plus difficile que la fermeture et le repli de la mi-mars. Les décisions sont encore plus lourdes de sens dans ce contexte mouvant et devant l’inconnue quant à l’évolution de cette pandémie. Alors c’est vrai que lire les documents reçus pour 7 commissions est, je l’avoue, passé à l’arrière-plan. Et je n’attends pas les textes des 3 dernières commissions avec l’impatience qui m’habitait avant la mi-mars. Pourtant, je sais que comme tous les membres de la Constituante, je vais me remettre à la tâche cet été non seulement pour éplucher ces nombreux rapports mais aussi et surtout pour échanger dans le cadre du groupe Gauche Citoyenne et Parti Socialiste du Valais Romand tout comme avec mes amis, partenaires divers et autres connaissances de tous bords. Et cette période unique que nous vivons va, j’en suis certain, éclairer le contenu de la future constitution valaisanne, car nous avons pu expérimenter la « prise de pouvoir » du Conseil Fédéral qui à mon avis a été profitable à l’ensemble du pays. Personne n’est entièrement d’accord avec les décisions que nos « sept sages » ont pris, le dernier sondage a montré un tiers de satisfaits et un tiers voulant aller plus vite pour le dé-confinement et un tiers plus lentement. Au niveau cantonal nous avons aussi pu prendre la température de notre gouvernement, sans surprise à mon avis, ni bonne ni mauvaise. Mais cette pandémie nous démontre à l’envi le besoin de structures et de matériel médicaux performants, et surtout de personnel engagé et reconnu à leur juste valeur. Et cela aussi dans les besoins de base de la société, il n’y avait qu’à suivre sur les réseaux sociaux les appels à remercier toutes les professions engagées dans cette lutte contre le virus et le maintien de la vie quotidienne de toute la population en assurant les besoins primaires. Il faudra donc que cette nouvelle constitution tienne compte, comme elle semble le faire pour l’instant dans cette première phase, des besoins de la société, de la culture, de l’économie et de l’environnement, et cela pour les générations futures. Jean-Marc Dupont Le 4 mars 2018, la peuple valaisan acceptait la réécriture de la Constitution valaisanne et décidait que cette activité de première importance serait menée par une assemblée élue par lui-même, en souverain qu’il est. L’intérêt était au rendez-vous, puisque plus de 600 candidat·e·s se sont présenté-e·s, pour une offre de 130 mandats.
Après presque une année de travail dans la commission 7 « Autorités cantonales, principes généraux et Grand Conseil » et après avoir assisté aux différentes séances plénières, j’ai envie de partager avec vous les réflexions d’une « Constituante » parmi les autres… Plusieurs partis, très ancrés dans la vie politique valaisanne avaient, à l’époque, combattu l’idée même de cette Constituante. Mais en bonnes démocrates, leurs instances respectives avaient ensuite accepté le verdict des urnes. Et pourtant… Et pourtant, je sens aujourd’hui des réticences marquées lorsqu’il s’agit d’ouvrir un peu les champs de réflexion, d’accepter la moindre évolution, fut-elle demandée par la rue elle-même, c’est-à-dire par le peuple… Deux exemples :
Mais j’ai bien peur que les vieux démons ne soient en train de ressurgir : peur du changement, de la nouveauté, de l’ouverture, peur surtout que la nouvelle Constitution échoue devant le peuple. Cette inquiétude du refus, brandie comme une menace par les uns, effraie les autres qui, pour certains, n’osent plus la moindre créativité. Si la présentation au peuple de la nouvelle Constitution dirige notre travail actuel, alors nous serons impuissant·e·s face à la tâche qui nous a été confiée par le peuple lui-même. A savoir, trouver des solutions nouvelles pour un exercice facilité de la démocratie, pour une organisation plus claire et efficace des autorités, tout en tenant compte de l’évolution rapide et constante de notre société. La peur d’un échec devant le peuple ne doit pas nous guider. Nous ne devons pas seulement prendre en compte les résultats d’élections ou de votations en Valais. Nous devons entendre aussi la vox populi, celle qui ne va peut-être pas régulièrement voter mais qui s’exprime directement dans la rue. Ainsi, la commission participative a-t-elle justement questionné la population, qui a fait des propositions dont nous devons tenir compte. Au final, les membres de la Constituante auront comme tâche d’aller vers la population pour la convaincre que le travail de fond a été fait, et bien fait ; que les articles de la nouvelle Constitution ont été rédigés avec raison, avec pragmatisme mais aussi en songeant que cet acte premier du Canton du Valais s’inscrira dans la durée et agira sur le futur de notre pays. L’engagement des « Constituants et Constituantes » ne s’arrête pas à la rédaction du texte. Il court jusqu’à l’acceptation par le peuple d’une Constituante moderne et adaptée à notre société d’aujourd’hui et aussi à celle de demain. Janine Rey-Siggen, le 17 février 2020 La commission des droits politiques de la Constituante, à laquelle j’appartiens, a adopté en fin d’année passée le droit de vote des étranger·ère·s ainsi que le droit de vote à 16 ans. Plus précisément, le modèle adopté par la commission prévoit le droit de vote des étranger·ère·s, mais pas d’éligibilité, au plan cantonal ainsi que le droit de vote et d’éligibilité au plan communal, mais pas à la fonction de président·e de commune. Pour bénéficier de ces droits, les étranger·ère·s devraient être titulaires d’une autorisation d’établissement (permis C) et domiciliés dans le canton depuis un an. Les jeunes dès 16 ans pourraient aussi bénéficier du droit de vote au plan cantonal et communal, mais pas du droit d’éligibilité.
Ces dispositions, adoptées à une courte majorité de la commission, constitueraient une réelle avancée pour la vie démocratique de notre canton, en faisant mieux converger cercle des habitant·e·s et cercle des décideur·euse·s. Elles favoriseraient l’intégration sociale et politique des personnes concernées. Elles offriraient des droits à des personnes qui ont déjà des devoirs similaires aux électeur·trice·s actuels. Les arguments des opposant·e·s sont bien connus et reposent en fait sur deux confusions, d’une part entre nationalité et citoyenneté, d’autre part entre majorité civile et majorité civique. Dans le premier cas, les conservateur·trice·s arguent que seule la nationalité, donc un processus de naturalisation, peut conférer des droits politiques. Or nationalité et citoyenneté ne sont pas synonymes et rien n’empêche de les dissocier. Du reste, tous les autres cantons romands attribuent des droits politiques, a minima le droit de vote communal, aux résident·e·s étrangers. À la vision ethnicisante et assimilationiste de la citoyenneté est opposé le « principe de territorialité », selon lequel c’est l’inscription durable dans un territoire et non la nationalité qui détermine l’attribution de droits politiques, considérant tous les résident·e·s permanents comme parties prenantes et co-constructeurs de la société locale. Ce modèle inclusif est une reconnaissance pragmatique de la présence importante et durable de populations étrangères en Valais (23%, dont 60% sont titulaires du permis C) et de leur contribution à la vie de notre canton. S’agissant du droit de vote à 16 ans, les opposant·e·s estiment que majorité civile et majorité civique doivent nécessairement coïncider. Là encore, ces deux notions ne sont pas synonymes et peuvent être aisément dissociées. L’Autriche et, en Suisse, le canton de Glaris, ont adopté le droit de vote à 16 ans, sans difficultés d’application. Dans les faits, il existe déjà plusieurs types de majorité qui ne correspondent pas à la majorité civile : majorité sexuelle et religieuse à 16 ans, majorité pénale dès 10 ans et possibilité de peines de prison dès 15 ans, notamment. De même, la loi donne déjà différents droits et devoirs aux jeunes dès 16 ans : payer des impôts, conduire certains véhicules, boire de l’alcool ou encore cotiser à l’AVS. D’un point de vue politique, le droit de vote à 16 ans est une mesure bienvenue de rééquilibrage d’un corps électoral vieillissant. C’est aussi un signal fort en faveur des jeunes, dont beaucoup partent s’établir hors du canton. C’est enfin une intégration à la vie politique dès la fin de la scolarité obligatoire. Les récentes manifestations pour le climat ont d’ailleurs montré que beaucoup de jeunes sont politisés et intéressés à la chose publique. La Constituante, théoriquement dominée par les conservateur·trice·s, aura-t-elle l’audace de donner un nouveau souffle à la vie démocratique de notre canton ? Réponse en plénum en avril. Fabien Thétaz Note : Les principales décisions des commissions thématiques sont consultables à l’adresse : https://www.vs.ch/web/constituante/rapports-de-seances La constituante s’est réunie en plénum le 3 octobre dernier à Visp afin d’accepter la mise en place d’un modèle de participation citoyenne. Processus qui a été élaboré par la commission de participation citoyenne et présenté à la population il y a de cela un mois. Nous y retrouvons deux formes de participation possible : les ateliers participatifs ainsi qu’une plateforme numérique.
Les ateliers ont eu pour but de proposer un espace concret aux valaisannes et valaisans pour qu’iels puissent s’exprimer sur les thématiques qui leur sont chères. Ces 6 soirées ont été organisées dans différentes villes du canton sur des sujets peu, voire non discutés dans la constitution valaisanne actuelle. Iels ont eu l’occasion d’aborder l’économie (le développement, la recherche, l’innovation…) l’environnement (le climat, les ressources naturelles, l’aménagement du territoire…) et le social (famille, logement, santé, culture, intégration…). Les habitant. e. s du Valais ont ainsi pu se rendre dans ces événements et émettre leurs souhaits, points de vue, idées concernant ces éléments. La plateforme informatique, elle, propose un espace de consultation divisé en dix catégories, correspondant aux dix commissions thématiques évoluant au sein de la constituante. Tout un chacun. e peut donner son avis sur différentes questions plus précises et faire part de ses suggestions. On retrouve par exemple dans le regroupement dédié aux « droits fondamentaux, droits sociaux et société civile » une question qui avait animé quelques séances de la commission en charge des droits fondamentaux, celle de l’anthropocentrisme des droits fondamentaux. Nous nous interrogions sur le fait de savoir si ces droits ou du moins certains de ceux-ci peuvent, ou doivent, s’ouvrir à d’autres entités que les êtres humains. Nous réfléchissions dans notre cas de la possibilité d’accorder des droits fondamentaux à la nature ou aux animaux. Ce sujet avait été longuement débattu et comprenait un enjeu central pour le Valais actuel et de demain, celui de la place que doit avoir cet environnement dans lequel nous vivons. Nous avons alors pu transmettre cette thématique à la commission de participation citoyenne afin de sonder l’opinion de la population. On peut aujourd’hui répondre via la plateforme à la question : « Quelle place attribuer aux animaux, aux plantes, à la nature, au climat, etc., parmi les droits fondamentaux dans la future Constitution valaisanne ? » L’avis de la population sur cette question est important, car nous seront reportées les suggestions émanant de cette consultation. Cette opinion est également primordiale sur tous les autres points et catégories de ce travail d’envergure. La participation des valaisannes et valaisans à cette nouvelle constitution en fera sa grandeur, sa richesse. Nous avons toutes et tous des connaissances spécifiques, qui font de nous des experts d’une situation ou d’un sujet. Nous sommes également toutes et tous plus sensibles à certains aspects, certains thèmes nous tiennent particulièrement à cœur et nous souhaiterions avoir notre mot à dire les concernant. Cette expertise et ce regard doivent être entendus et peuvent l’être lors de l’élaboration des règles fondamentales de notre état. La constituante va bon sens dans l’ouverture d’une démocratie plus participative. Prenez alors part à la conception de notre nouvelle constitution, allez donner votre avis sur la plateforme, amenez des propositions, indications ou souhaits. Ceux-ci seront ensuite remis sans analyse à la commission de participation citoyenne qui les transmettra aux commissions concernées. Rendez-vous sur le site valaisdemain.ch d’ici au 5 janvier, jour jusqu’auquel ladite plateforme est active. Prenons pour cette nouvelle année, toutes et tous ensemble, des bonnes résolutions pour le Valais. Caroline Reynard Un congé paternité de deux semaines vient d’être accepté par les chambres fédérales en septembre dernier. Il devrait être introduit le 1 juillet 2020 ou, au plus tard, le 1er janvier 2021. Il s’agit-là d’un « premier succès d’étape » car il faut se rappeler d’où l’on vient. Jusqu’en 2016, le Parlement a rejeté pas moins d’une trentaine d’interventions sur ce sujet.
En revanche, ce premier succès permet d’enchaîner sur un nouveau projet beaucoup plus ambitieux ! En effet de nombreux milieux l’admettent désormais : dix jours de congé pour le papa, c’est certes beaucoup mieux qu’un seul, comme le prévoit le Code des obligations mais cela ne suffira pas à mettre en place une véritable politique familiale. Mesure visant à soutenir la famille, le congé parental a largement fait ses preuves dans les pays scandinaves où le concept s’est développé depuis les années 70 déjà. Il consiste à mettre son activité professionnelle en pause au moment de la naissance de son enfant tout en bénéficiant d’une garantie de l’emploi et d’une compensation de son revenu. Selon les pays, la réglementation peut varier en ce qui concerne la durée du congé, le montant de la compensation et la répartition entre les parents pour pouvoir en bénéficier. La prise de ce congé par les pères est devenue obligatoire dans tous les pays nordiques à l’exception de la Finlande. La Suisse est très en retard à cet égard. La comparaison entre pays de l’OCDE la classe à l’antépénultième rang, soit juste devant le Mexique et les Etats-Unis. A ce jour, le congé parental n’a été supprimé dans aucun des pays qui l’avaient introduit. Actuellement, la moitié des 36 pays de l’OCDE proposent un congé d’au moins 43 semaines. Le congé parental vise avant tout à une meilleure conciliation de la vie familiale et professionnelle. La faiblesse des mesures de soutien aux familles entraîne une perte de main-d’œuvre pour notre économie et nie l’importance de la relation parents-enfants et ses répercussions sur le développement du jeune enfant. La COFF (commission fédérale de coordination pour les questions familiales) a élaboré en 2018 un argumentaire et des recommandations allant dans ce sens basé sur des études récentes.[1] En outre, le Conseil fédéral a établi un rapport en réponse au postulat déposé par la conseillère fédérale aux Etats Anita Fetz le 6 juin 2011 (Congé parental et prévoyance familiale facultatifs) Le postulat demandait au Conseil fédéral d’examiner un nouveau modèle de congé parental financé par l’épargne individuelle et accompagné de mesures fiscales. Il a été accepté et dès lors, une analyse approfondie a été entreprise afin de dresser un état des lieux comparatif de différents modèles de congé parental et d’en faire apparaître les avantages et les inconvénients respectifs. C’est ainsi que huit différents modèles financés par les APG et/ou une nouvelle possibilité d’épargne individuelle défiscalisée et/ou les avoirs du 3ème pilier ont été étudiés. Si certains de ces modèles règlent de manière exhaustive au niveau fédéral le droit au congé et son indemnisation, certains autres « permettent aux cantons, en fonction du libellé des dispositions adoptées, d’introduire sur leur territoire des prélèvements paritaires cantonaux pour financer un congé parental ou d’en compléter le financement ». p 63 C’est ainsi que la question de l’introduction d’un congé parental cantonal est actuellement à l’étude à la commission de la Constituante qui se penche sur les tâches sociales de l’état. Corinne Duc-Bonvin [1] https://ekff.admin.ch/fr/documentation/conge-parental-allocations-parentales/ Après de longs mois consacrés à la mise en place de ses structures et à l’élaboration de son règlement, la Constituante peut se mettre véritablement au travail de fond. Les 10 commissions thématiques ont commencé à se réunir juste avant l’été. Elles devront d’ici le printemps prochain remettre un premier jet de propositions qui ne seront pas forcément rédigées sous la forme d’articles constitutionnels. Après examen par le plénum, l’ouvrage sera remis sur le métier pour un deuxième tour de reformulations, modifications et élaboration d’un texte plus définitif avant la rédaction finale de cette nouvelle Constitution en plénum.
Cette première phase est essentielle pour mettre en avant nos idées et propositions, de ne rien oublier. Pour cela, la mise en commun et le travail au sein du groupe PS-Gc sont importants. L’ambiance au sein du groupe est excellente et constructive. N’hésitez pas à nous faire part de vos préoccupations et suggestions concernant les différentes commissions thématiques également en dehors du cadre des actions qui seront entreprises par la commission de participation citoyenne de la constituante. Comme l’écrit Thomas Piketty dans son dernier ouvrage (Capital et idéologie, Seuil 2019) : « L’inégalité n’est pas économique ou technologique : elle est idéologique et politique. Autrement dit, le marché et la concurrence, le profit et le salaire, le capital et la dette, les travailleurs qualifiés et non qualifiés, les nationaux et les étrangers, les paradis fiscaux et la compétitivité, n’existent pas en tant que tels. Ce sont des constructions sociales et historiques qui dépendent entièrement du système légal, fiscal, éducatif et politique que l’on choisit de mettre en place et des catégories que l’on se donne. Ces choix renvoient avant tout aux représentations que chaque société se fait de la justice sociale et de l’économie juste (). » Nous avons une chance unique de construire, par le biais de cette nouvelle constitution valaisanne un système légal, fiscal, éducatif et politique qui fasse référence à de vraies valeurs de justice sociale, de solidarité, d’égalité avec une économie responsable et véritablement écologique. La responsabilité des élus de gauche dans ce processus est donc très importante pour faire pencher la balance du bon côté. Il nous faudra beaucoup travailler, écouter, convaincre, trouver des compromis inévitables, mais sans rien céder sur ce qui fait le cœur de notre projet. Pour toutes et tous sans privilèges ! Pierre Schertenleib Avec l’adoption de son règlement et la nomination de ses organes, la Constituante est désormais prête à s’atteler à la révision de la charte fondamentale. Le travail en commission devrait débuter avant la pause estivale.
Loin d’être un document de pure forme, le règlement de la Constituante, adopté lors de la séance plénière du 29 avril, fixe les règles du jeu et détermine la manière de travailler de l’assemblée. S’éloignant du projet du Conseil d’État, le règlement adopté est plutôt innovant. Il prévoit notamment un collège présidentiel de deux hommes et deux femmes, l’écriture épicène, la tenue d’un registre d’intérêts et la transparence des travaux ainsi que la création d’une commission de la participation citoyenne. Abstraction faite des tentatives d’obstruction de l’UDC, qui a refusé toute nouveauté, les groupes se sont entendus sur la plupart des points. L’adoption de ce règlement donne ainsi un premier signal positif pour la suite des travaux. Alors qu’on avait (un peu vite) rangé le PDC dans le « camp des conservateurs », il s’est montré ouvert aux innovations proposées, du moins sa composante romande. Fait intéressant, c’est aussi le groupe qui a le plus donné la parole aux femmes lors de cette première séance. Reste à savoir si cet état d’esprit est durable et si le « camp des progressistes » sera suffisamment fort pour faire passer des réformes ambitieuses dans les domaines institutionnel, social et économique. Autre étape importante avant le début des travaux à proprement dit : la nomination des organes de la Constituante. Avec le mandat de respecter la concordance et la force des groupes au sein de l’Assemblée, les délégués des partis sont parvenus à proposer une clé de répartition des quatre membres du collège présidentiel et des 20 présidents et vice-présidents des commissions thématiques. Notre groupe sera bien représenté. Olivier Derivaz assumera la présidence de la commission des institutions judiciaires et Janine Rey-Siggen la vice-présidence de celle consacrée au Grand Conseil. Gaël Bourgeois reste membre du Bureau, en qualité de président du groupe PS et Gauche citoyenne. Pour ma part, j’aurai le plaisir de siéger au sein de la commission de la participation citoyenne. A noter que notre groupe devrait être représenté au collège présidentiel durant la 2ème moitié des travaux. Cet équilibre délicat entre forces politiques, genres et régions et le choix des personnes ont été actés par l’assemblée plénière lors de sa séance du 5 juin. Fabien Thétaz |